tout un monde lointain
La forme académique que prend le travail de Claire Decet semble renouer avec un certain classicisme. Nature morte, étude de paysage, ou encore cabinet de curiosité composent son répertoire. En accord avec la grande tradition de ces thèmes fondateurs de l’histoire de l’art, sa pratique, lente et laborieuse rend au temps sa force de cohésion dans l’élaboration de l’oeuvre. C’est une tranquille opposition au rythme effréné du monde actuel dont l’emballement mène à la déconnection de la réalité. Réalité oblitérée ou la racine d’une forme contemporaine de l’angoisse.
L’inquiétude est là, et s’accompagne d’une prise de conscience, dans le travail de cette artiste qui a pour décor quotidien une centrale nucléaire. La série des Centres de production électrique nucléaire - qui joue sur d’infimes variations du motif des nuages produits en alternance par les quatre cheminées de la centrale au rythme des fermetures officielles pour «maintenance» - exprime le sentiment de répétition ressenti face à cette vue aperçue plusieurs fois par jour.
Cette série d’étude sur le paysage acquiert une certaine gravité à la présence du néon 2052 qui annonce la prolongation de la période d’exploitation des quatre réacteurs de la centrale de Cattenom.
Tandis qu’à la campagne l’intrusion de constructions aléatoires posées au milieu de territoires vastes et plats, interpelle le regard et y réduit la place de la nature environnante; en ville celle-ci semble cette fois s’approprier l’espace urbain. Les pots, jardinières, mais également les indésirables, mauvaises plantes y prolifèrent.
Une certaine mélancolie traverse la série des Misères, où la répétition du motif évoque l’uniformisation de ces décors végétaux recréés par les citadins. En parcourant la ville de Berlin lors d’une résidence en 2009, Claire Decet développe une sensibilité envers cette nature domestiquée, qu’elle nomme les «paysages intérieurs», recomposant des mondes sur les rebords des fenêtres ou dans les vitrines des commerces.
Débutée il y a plusieurs années, Collection compose une sorte d’herbier de fleurs séchées mis en scène à l’aide de vases de fortune. Une végétation à l’abandon, une nature inerte, aride, qui semble recréer un paysage à échelle réduite.
Observatrice méticuleuse de ces phénomènes, Claire Decet pose un regard sur ces questions. Elle nous révèle la troublante beauté cachée dans la noirceur apparente. Paysages de centrale nucléaire, végétations abandonnées... ses sujets sont traités avec une mélancolie toute particulière. Ses oeuvres colorées, soignées et d’apparence lisse dévoilent toute la fragilité de nos sociétés.
The academic shape taken by the work of Claire Decet appears to be renewing with a certain classicism. Still life, landscape study, or curiosity cabinet compose her repertoire. In keeping with the tradition of these founding themes of art history, her practice, slow and laborious, gives back to time its cohesive force in the development of the work. It is a quiet opposition to the world fast-paced rythm whose «runaway» leads to a disconnection from reality. Franked reality or root of a contemporary form of anxiety.
The concern is there, coming along with an awareness in the work of the artist, who has for daily settin, a nuclear power station. The Centres de production éléctrique nucléaire series plays on tiny variations of the pattern of clouds produced in alternation by the four chimneys of the station. Alteration produced at the rate of the official closures for «maintenance» . This serie expresses the feeling of repetition felt in front of this view seen several times a day. This series of study on the landscape acquires a certain gravity by the presence of the neon 2052 which announces the extension of the power station of Cattenom’s period of exploitation.
While in the countryside, the intrusion of random constructions raised in the middle of vast and flat territories, catches the eyes as well as reduces the space of surrounding nature, in town nature seems this time appropriating the urban space. Flower pots, window boxes, but also the undesirable and bad plants proliferate.
There is a certain melancholia in the Misères (Tradescantia) series, where the pattern repetition evokes the standardization of the plants arrangement recreated by urban residents. Walking through the city of Berlin during a residency in 2009, Claire Decet develops a sensibility to this domesticated nature, calling it «inner landscapes».Landscapes recomposing worlds on window sills or in shop windows.
Begun several years ago, Collection composes a kind of herbarium of dried flowers staged with makeshift vases. A neglected vegetation, a sluggish, dry nature, which seems to recreate a landscape in reduced scale.
Accurate observer of these phenomena, Claire Decet puts a glance on these questions. She reveals us the disturbing beauty hidden in the visible darkness. Landscapes of nuclear power station, abandoned vegetations ... her topics are treated with a quite particular melancholy. Her colorful, neat and smooth from appearance reveal all the fragility of our societies.
galerie JEANROCHDARD, Paris 2012.